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[ITW] Élodie Namer, réalisatrice de <i>Le Tournoi</i> (2015) / Élodie Namer, director of <i>The Tournament</i> (2015) 1 image

[ITW] Élodie Namer, réalisatrice de Le Tournoi (2015) / Élodie Namer, director of The Tournament (2015)

Dernière mise à jour : avril 8th, 2021 at 12:50 am

Par/by Marie Deconinck
Rédactrice/Editor

Le Tournoi - Elodie Namer
© Victor Matussiere

Le Tournoi est le premier film d’Elodie Namer. Ce teen movie riche et bien ficelé sur le monde des échecs est une belle réussite. Rencontre avec la réalisatrice Elodie Namer.

The Tournament is Elodie Namer‘s first feature film: an interesting and well managed teen movie about the world of chess. This is an interview of the director Elodie Namer.
More in English >> (Translation in progress, come bubble later)

Synopsis : Cal Fournier (Michelangelo Passaniti), 22 ans, est le grand favori du 34ème Tournoi international d’échecs de Budapest. Ce beau génie immature passe pourtant un temps fou à boire, courir après sa copine Lou (Lou de Laâge) et à faire des paris improbables avec les membres de son équipe. Une recette qui semble lui réussir jusqu’à ce que Max (Adam Corbier), un inconnu de 8 ans, se mette à battre tous ses concurrents.

Bulles de Culture (BdC) : Elodie Namer, comment avez-vous abordé le travail de ce premier film?

Elodie Namer (EN) : Faire un film est un sacerdoce qui prend des années. C’est comme une histoire d’amour : il faut être sacrément amoureux pour se dire qu’on va passer toutes les crises, que quoi qu’il arrive, on maintiendra le cap. Je suis tombée amoureuse du milieu des joueurs d’échecs et de toutes les thématiques qu’il porte. Le projet a duré cinq ans : un an et demie d’immersion, un an et demie d’écriture et ensuite ça a été très vite. Je n’avais pas prévu d’être réalisatrice donc j’étais assez affranchie par rapport aux réalisateurs qui ont toujours fait ça et qui passent par des écoles. Je pensais que si ça doit être mon seul film, ce sera mon seul film. Je me suis éclatée comme je ne l’aurais peut-être pas fait si j’avais eu la pression de la réussite du premier film. J’ai été loin dans les partis pris de mise en scène, par exemple.

BdC : On sent ce plaisir du réalisateur dans les nombreux paris que font les joueurs d’échecs entre eux. Comment les avez-vous dénichés ?

EN : D’abord en me documentant beaucoup car les joueurs d’échecs font vraiment ça ! En un an et demie d’immersion, j’ai fini par devenir aussi cinglée qu’eux. Le tas de meubles est un jeu que j’ai inventé, et maintenant tous les joueurs y jouent ! Je suis devenue une des leurs. Au départ, je ne savais pas bouger un pion, mais je me suis enfermée chez moi pendant six mois pour apprendre sur internet. Puis j’ai joué en clubs et en tournois et là j’ai commencé à approcher les grand maîtres qui ont été touchés par ma démarche. Je voulais qu’ils soient partie prenante du projet : ils m’ont accueillie dans leur monde, dans leurs chambres d’hôtel, leurs paris débiles. Fabien Libiszewski​ qui joue le rôle d’Aurélien est un vrai joueur d’échecs. Il y a eu des joueurs partout, du scénario au tournage, qui m’ont beaucoup nourrie.

BdC : Cette vie de tournoi en huis clos dans un hôtel est-elle réaliste?

EN : Oui, absolument! Souvent je parle à des joueurs sur Facebook qui me disent : “Je suis à Rome”. Mais ne sois pas sur Facebook dans ta chambre ! Sors, c’est la plus belle ville du monde. Ce sont des gens qui ont fait trois fois le tour du monde sans l’avoir vu.

Le Tournoi - image
© Diaphana Distribution

BdC : Qu’aviez-vous envie de dire, de défendre à travers ce film?

EN : La question centrale du film est : “Qu’est-ce que grandir?”. Les personnages sont des sportifs de haut niveau qui ont fait preuve de beaucoup d’abnégation pour se consacrer à une discipline, et qui ensuite passent leur vie à être nostalgiques d’une enfance qu’ils n’ont pas eue. Ils ont beaucoup de mal à passer le cap de l’âge adulte. J’ai moi aussi eu du mal à grandir, pour moi, c’était le synonyme de mourir. Notre génération [NDLR : Elodie Namer est née en 1978 ] a une pression de la réussite au niveau familial, matériel, affectif, mais on ne lui dit jamais : “Continuez de vous éclater ! N’oubliez pas de vous éclater et c’est comme ça que vous réussirez”. C’est ce que j’ai essayé de dire à travers le film : grandir, c’est garder cette part d’enfant qui continue à jouer. Mais prendre du plaisir suppose un combat pour s’affranchir de ceux qui jurent par la réussite à tout prix, par la performance.

BdC : Le personnage de Lou prend Cal à partie sur la misogynie du monde des échecs…

EN : Oui, j’y tenais! Ce film sera vu par des jeunes et j’avais envie de faire une petite leçon d’introduction au féminisme. S’il y en a pour qui ça allume une petite lumière, ce sera ça de gagné. Il y a entre 13 et 15% de femmes qui jouent aux échecs à haut niveau : quand on entre dans une salle de mille personnes et qu’il y a cette proportion de femmes, ça fait un choc visuel. Je pense que l’on vit globalement dans un monde machiste mais le milieu des échecs est paroxystique, extrêmement macho. Lou est une femme pleine de principes, intelligente, guerrière, qui vaut autant que Cal, mais ça fait vingt ans qu’elle se bat et elle est fatiguée. Elle est infiniment tragique car elle mérite la place de Cal, et elle ne l’aura pas parce qu’elle est une femme.

BdC : Qu’avez-vous envie de défendre au cinéma dans le futur ?

EN : J’ai été mordue par le virus, j’espère continuer ce métier toute ma vie. Je veux faire des films qui donnent de la force aux gens : provoquer cet espèce de souffle en sortant de la salle qui fait qu’on se sent un peu plus fort.

Propos recueillis à Paris en avril 2015.

En savoir plus :
http://bullesdeculture.blogspot.com/search/label/Le%20Tournoi (critique et interviews du film)
http://diaphana.fr/film/le-tournoi (site officiel du distributeur)
– date de sortie France : 29/04/2015

Zoé Klein

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